Un peu d'histoire ... un éternel recommencement
DE LA PESTE NOIRE AU CORONAVIRUS … un petit rappel bien utile
Pendant des millénaires les hommes ont été chasseurs-cueilleurs et vivaient en petits groupes mobiles, ne se croisant sans doute que rarement, ce qui rend difficile toute transmission de maladie contagieuse.
L’agriculture et, surtout, l’élevage, qui apparaissent lors de ce que l’on appelle la « révolution néolithique », changent la donne pour deux raisons : désormais les humains vont se rassembler en groupes de plus en plus compacts et sédentaires, dans des villages, des cités, où la transmission peut flamber et, surtout, ils vivent au contact quotidien des animaux, ces maudits animaux vivants qui transmettent les virus mutants responsables des grandes maladies nouvelles.
Dernier exemple en date : ce qui s’est passé à Wuhan en décembre 2019.
La plus célèbre des épidémies est celle de LA PESTE NOIRE du milieu du XIVe siècle :
En 1346, des Mongols assiègent Caffa (actuelle Théodosie), un port de Crimée dont les Génois ont fait un comptoir commercial. Ils ont des pestiférés parmi eux. Des rongeurs présents sous les fortifications transmettent la maladie aux Italiens. Les deux camps sont bientôt si affaiblis qu’ils signent une trêve. Les Génois repartent en bateau, emmenant dans leurs soutes le sinistre virus. La maladie débarque donc avec eux à Constantinople, puis à Messine, puis à Marseille. Cela fait si longtemps que le mal a disparu que la population n’a plus aucune immunité.
En trois ou quatre ans, le cercle de la mort s’étend de façon infernale : toute l’Europe, toute l’Afrique du Nord, le Proche et le Moyen-Orient (peut-être aussi l’Afrique subsaharienne mais, faute de documentation écrite, on n’en a pas la certitude). Le bilan est littéralement dantesque. Entre un quart et un tiers de la population d’Europe disparaît. Seuls quelques îlots sont épargnés (comme la ville de Milan) pour des raisons difficiles à éclaircir. Une des conséquences détestables du fléau fut la flambée de violence qu’il suscita contre les juifs, accusés d’avoir importé le mal en empoisonnant les puits. Dans le royaume de France, dans la vallée du Rhin, on massacre à grande échelle, avec l’approbation des autorités. Seul le pape cherche à calmer les choses avec un argument fort logique : pourquoi accuser les juifs de propager un mal dont ils meurent aussi ?
Par la suite, le fléau réapparaît à intervalle régulier en Europe, tous les dix ou quinze ans mais, en général, il est circonscrit à une région ou une ville. Cela peut être très virulent. La grande peste de Londres de 1665 tue un habitant sur cinq.
Comme au temps de la peste noire, nous vivons une remise en cause du monde tel que nous l'avons toujours connu. Un processus déjà entamé il y a quelques années avec la prise de conscience du changement climatique et les dégradations de l’environnement considérées comme irréversibles. Au Moyen Age, les pandémies successives étaient pour certains le résultat d’un mauvais comportement de l’humanité. Il fallait se repentir. Aujourd’hui les similitudes sont remarquables, nous pouvons entendre ici ou là que la Terre est trop peuplée, trop polluée et que nous payons les excès de la mondialisation.
Mais contrairement au Moyen Age, nous imaginons aussi un monde d'après avec plus de solidarité, une consommation plus raisonnée et moins mondialisée. Beaucoup espèrent que l'après coronavirus sera meilleur. Aux XIVe et XVe siècles, on ignorait tout des origines de la peste et de sa transmission. Une impuissance face à l’hécatombe qui est aujourd'hui bien différente grâce aux connaissances scientifiques.
Chaque épidémie a bien sûr des spécificités culturelles, religieuses ou encore régionales, mais dans le fond, ce qui est stupéfiant, c'est qu'on réagit toujours de la même manière. L'homme est le même dans ces réflexes primaires."
Une première quarantaine en 1377 !
Au temps de la peste, les premières mesures prophylactiques d'isolement voient ainsi le jour. Le terme même de "quarantaine" en est d'ailleurs un héritage. Celle-ci est pour la première instituée officiellement par la cité de Raguse, l'actuelle Dubrovnik, en 1377. Elle interdit l'accès de la ville ou de son district à ceux "qui arrivent d'une zone infestée par la peste".
Par logique, on opte pour cette fameuse distanciation physique. Lors de la peste noire, spécialement dans les cités italiennes, ils ont très vite compris, même sans en comprendre les raisons, qu'il fallait éviter tout contact avec les malades. Ils ont alors commencé à institutionnaliser cette isolement. Sept siècles plus tard, "c'est aussi ce qui s'est imposé dans presque tous les pays du monde".
"Les sergents d'autrefois qui protégeaient les entrées des cités, ce sont les policiers d'aujourd'hui qui contrôlent les attestations".
Face à la menace, les comportements sont aussi très similaires. Au début du confinement instauré en raison du Covid-19, les médias ont rapporté qu'un nombre important de Parisiens avaient quitté la capitale pour se rendre en province dans leurs résidences secondaires ou dans leur famille. Au Moyen-Âge, nombreux sont ceux qui ont également quitté leur cité sinistrée pour se réfugier dans des endroits plus cléments, propageant là encore la maladie.
Nos comportements ne sont pas si différents de ceux de nos ancêtres…